c h ê n e   e n   o rRetour à la sueur de mots




Au réveil brutal et fièvreux
s'ajoute la brûlure acide de ses naseaux.
L'impression de rester englué dans sa bile persiste
alors qu'il se traîne jusqu'à la table.
Avaler sans conviction,
Résister à la colère qui veut projeter son bol pour le briser
Le gant de toilette rappe son visage
Mais il ne sent rien...
Habillé, beau comme on l'espère
Il sort dans son jardin, hume avec difficulté la fraîche
Puis reste immobile.
Seuls ses yeux roulent par à coups
pour se poser sur le peuple de son modeste terrain.
A la vue de ses plants de chanvre
une moue étrange se dessine, proche du sourire,
sur son visage.
Il ne la quittera plus.
Il paraît tranquille lorsqu'il fauche les tiges
Beaucoup trop tôt d'ailleurs pour espèrer obtenir
le moindre début de psychotrope
Il ne paraît pas s'en inquièter
alors qu'il effile chaque tige en de nombreuses lamelles
souples
Ca y est. Il a terminé.
Assis parterre, il entrecroise chaque fibre avec les autres
Il chantonne, marmonne une mélodie lointaine
Comme une fête dont les échos seraient aléatoirement portés par le vent, D'une vallée à une autre.
Patiemment, hors du temps,
il oeuvre sur une natte de plus en plus grande
Le soleil a parcouru un bon quart de son pèlerinage quotidien
Lorsqu'il n'a plus de matière première.
D'un air fier teinté de son rictus,
Il se lève et s'adosse à son arbre,
Ce chêne robuste qui l'a tant de fois rafraîchi
Il accroche sa tresse à la plus haute branche
A la portée de ses talents de grimpeur
Puis il s'accroupit sur le membre arnaché
Il ressemble à un enfant serein qui a la vie devant lui
et qui le sait
D'où nous sommes, nous ne voyons pas exactement
Quel jeu il prépare
Nous le voyons toutefois affairé sur sa corde
Sur le bout qui est libre
Les oiseaux piaillent doucement,
Les fleurs envoient leur douce odeur dans l'espoir d'être
Butinées.
Dans un cri de joie inattendu, il s'élance de son perchoir
Puis se balance, retenu par sa corde artisanale
Après un craquement.
La branche n'a pas cèdé. Il arbore toujours son sourire,
Les yeux grands ouverts
Ses jambes soubressautent, ses mains aussi,
Puis se taisent
Il semble heureux.
On ne lui pardonnera jamais.


Ecrit le 28 juillet 2004


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