En
tant que Dieu
J'introduis
Furjeh, être qui ne sait pas exactement qui il est car n'a
aucun des cinq sens. A vrai dire il ne sait pas où il est,
s'il est je, si d'autres sont, s'il vit. Il pense, c'est tout. Sans je.
Autour
de lui, une végétation éblouissante.
Du vert sur terre à perte de vue. Des cascades d'un bleu
divin retombant dans un bruit de casseroles pour une fois bien
accordées.
Le
ciel est un puzzle, les nuages sont ses pièces qui tentent
toutes les combinaisons. Pour former quoi ? C'est justement la question.
On
croit sans chercher que les nuages sont là pour nous montrer
des choses bizarres mais familières quand on les regarde, ou
pour nous cacher le soleil, ou encore pour participer au cycle de
l'eau. Vrai de notre oeil, mais le nuage, lui, s'en tape la vapeur !
Emprunt d'une idéologie aveugle, il veut savoir, il se
débat, il s'introduit, se retourne, file ;
jusqu'à présent sans succès. Le grand
TOUT, celui des légendes de son enfance, il veut le
connaître.
Le
nuage est plutôt du genre patient, conscient qu'il est
voué à l'échec. Parfois des groupes de
nuages s'excitent, en ont assez de se ramasser, et c'est l'orage : un
hurlement d'impuissance qui passe rarement inaperçu. Sauf
pour Furjeh. Lui s'en fiche.
Il
n'a pas une forme à proprement parler, il n'a pas de clan,
pas de but, il pense... des idées lui viennent à
l'esprit, des concepts abstraits très théoriques.
De lui nous viennent les mathématiques. Allez savoir comment
un être humain parvint à saisir ses
pensées... le fait est là. Et il n'en tire aucun
intérêt, aucune curiosité, aucune
inquiètude.
Il
est plutôt courant qu'un renard se soulage sur lui sans un
égard pour cet urinoir improvisé. Le
dégradant sans je n'est rien.
Furjeh
capte toutes choses de cette planète. Il les comprend
différemment de chaque être affilié de
près ou de loin à ce havre de paix et de violence.
Nos
ancètres l'ont peut être foulé sur
plusieurs générations. Les nuages l'ont
survolé un nombre incalculable de fois, il a certainement
voyagé aux quatre coins au cours de son existence tant il
est petit et léger.
Si
je vous dis ça, c'est parce qu'à chercher le
grand, le grandiose, on en oublie l'insignifiant.
Et
si les nuages savaient ce qu'il est... ils s'arrêteraient
enfin.
Mais
je compte sur vous : c'est notre secret.
Ecrit le 29 octobre 2004